Solitude(s) |
A L’ORIGINE DU FILM
Malgré le côté intimiste, «Solitude(s)»
n’est pas un film autobiographique. En fréquentant des concerts
de musique tsigane pendant un temps, j’ai observé un bon nombre
de femmes seules qui n’avaient pas spécialement l’air malheureuses,
ni tout à fait heureuses d’ailleurs. Je me suis alors imaginé
ce que certaines femmes qui étaient là pouvaient se dire intérieurement.
J’ai essayé de mettre des mots sur le ressenti que j’avais
d’elles. Peut-être que les hommes auraient pu tenir les mêmes
propos.
Evidemment je me suis un peu reconnue en elles. Elles m’ont touchée
bien que ma situation était autre.
Le thème de la solitude, la difficulté à former un couple,
à se lier à l’autre me paraissait être un grand thème
et dans l’air du temps avec le succès des sites de rencontres en
milieu urbain et maintenant ailleurs. Chacun, à un moment ou à
un autre de sa vie, est traversé par le sentiment de solitude. Tout,
dans cette aventure, était un défi, alors le sujet aussi.
Mes personnages féminins, emmurées dans leurs pensées,
sont d’autant plus seuls qu’ils sont perdus dans la foule. Ils n’évoluent
pas, ils ne font que se livrer du début jusqu’à la fin du
film. L’anonymat est partout jusqu’à l’absence de nom.
Le seul langage est ce que ces femmes nous disent d’elles-mêmes.
La musique tsigane est née du besoin de donner aux gens du courage pour
surmonter les épreuves de l’existence qui ne leur manquent pas.
Mes trois personnages s’y sont retrouvés. La mise en scène,
quoique très travaillée, est minimaliste.
Les actions sont faites de détails. La musique, souffle d’énergie
et de vie, est le principal personnage du film. Le temps d’un instant,
musiciens, figurants, personnages-comédiens, tout ce beau monde vient
s’oublier là ou plutôt se retrouver, dans une même
communion.
Film d’ambiance certes, dans lequel le beau rôle est donné
à la musique sur laquelle les images se calent, ce premier court-métrage
est avant tout une quête d’atmosphère, de style et d’univers,
la recherche d’une esthétique.
Après mes deux documentaires
de circonstances sur les événements en Yougoslavie,
je voulais sortir de ce cadre et me rapprocher de la mise en scène et
du cinéma de fiction que j’avais étudié à
l’Université de Nancy.
Objectif n°1: faire un film pour découvrir comment on faisait un
film.
Je voulais découvrir l’ambiance d’un plateau, les difficultés
d’un tournage, toute la mise en oeuvre pour l’élaboration
d’un projet de court-métrage, de l’écriture au montage,
en passant par la constitution d’une équipe et les problèmes
de diffusion qui suivront.
Dans cette aventure, j’avais engagé toutes les économies
que j’avais faites pendant dix ans, consciente qu’il n’y aurait
peut-être pas de seconde chance et qu’il fallait donner le meilleur
de soi, sur tous les plans et à chaque étape.
L’aventure fut de taille. Le film a failli s’interrompre à
plusieurs reprises puis finalement il a vu le jour pour ma plus grande satisfaction.